Être meilleure que – III

J’ai passé un peu plus qu’une semaine avec mon père, qui était installé chez-moi pour faire des travaux. Il est parti mercredi matin (j’ai envie de dire : enfin!), alors que nous étions tous deux un peu à bout et fâchés. Le sentiment d’être meilleur que l’autre, et surtout le grand besoin que nous partageons d’être reconnus, y ont certainement joué un rôle…

Je suis la fille de mon père : je fais preuve de la même brusquerie, de la même curiosité et de la même serviabilité, je me fâche vite mais je me « défâche » vite aussi. Bref, quand je travaille avec mon père, on passe du bon temps mais on doit faire des efforts tous les deux 😉

Ce lundi, mon père a décidé de redresser le bout de plafond que nous avions abîmé en retirant une colonne non-porteuse. Il m’a raconté sur un ton impatient qu’il avait construit un plafond courbé qu’un ami (oui oui) avait ensuite démoli puis reconstruit, disant qu’un plafond doit être droit. C’est ce vieux compte à régler (je crois) qui a amené mon père à vouloir redresser mon plafond plutôt que l’urgence ou même la nécessité de la tâche… Certes, un plafond doit être droit, mais mon père et moi n’effectuons que des travaux de surface; le gros de l’ouvrage sera confié à un entrepreneur professionnel.

Mon père s’est donc mis à l’ouvrage, sans vraiment me consulter, avec force juron et bien de la mauvaise humeur… Charmant. J’ai répondu en boudant un peu, c’est-à-dire en lisant ostensiblement tout en l’assistant lorsqu’il me le demandait. Charmant aussi…

Par chance, mon rendez-vous avec la psy tombe justement le lundi. J’ai donc pu ventiler sur le fait que mon père réparait mon plafond en bougonnant et réaliser que ce qui me gênait surtout dans toute cette situation était de ne pas bien en comprendre les tenants et aboutissants. Je le savais, mais je n’avais pas pris la peine de le dire clairement, genre : « Papa, j’aimerais que tu me m’expliques ce que tu vas faire, pour que je comprenne bien ce qui va se passer. » Le fait qu’il me l’explique ne m’aurait pas seulement renseignée et rassurée, mais l’aurait peut-être aidé lui-même à mieux planifier sa réparation et, donc, à moins bougonner.

Tout ça pour dire que mon père a fini par atteindre son but et que, malgré cela, la journée s’est mal terminée : j’étais de mauvaise humeur et je n’avais plus de patience pour poursuivre les travaux. En soirée, j’ai fini par lui dire — gentiment — que je souhaitais qu’il retourne chez-lui. Je lui ai bien expliqué que c’est moi qui, habituée à vivre seule, commençait à avoir du mal avec sa présence… Mon père a bien accueilli la nouvelle, mais son départ, le surlendemain matin, a été une véritable catastrophe. TOUT était sujet à critique et à une obstination stérile et moi, comme une conne, j’embarquais dans son jeu en lui répondant avec un ton impatient ou méprisant… Oui, charmant…

Bon, on s’est quand même donné un câlin sincère avant de se quitter et on est parlé (gentiment) au téléphone depuis, donc tout n’est pas perdu, mais disons que j’aimerais éviter que ce genre de situation se reproduise.

De mon coté, je me rends compte que, le matin de son départ, j’ai pris certains de ses commentaires blessants de manière personnelle alors que j’aurais pu — et dû! — agir en adulte et les laisser couler. Mais la volonté d’avoir raison — ou d’être meilleure — l’a emporté. Comme quand je jugeais sa réparation du plafond inutile et, qui plus est, mal effectuée… De son côté, je pense qu’il tenait à ce que ses compétences soient reconnues… On aurait dit qu’il voulait me prouver que, même si je le mettais à la porte, cela ne voulait pas dire qu’il ne connaissait rien.

Notre mauvaise humeur mutuelle s’est calmée quand j’ai souligné, après une courte chicane au sujet du code de la route, que je ne voulais pas poursuivre cette discussion parce que nous n’avions pas les faits en main. Ç’a calmé mon père d’un coup.

Agir en adulte (par exemple, rester calme même quand l’autre personne perd ses moyens), nommer mes besoins et ne pas prendre personnellement les critiques sur des choses banales… Des leçons de vie à apprendre, encore à 52 ans!

Ah oui, j’ai encore des choses à dire sur le stress et l’inertie qu’engendre la croyance d’être meilleure que… Une autre fois!

Être meilleure que – II

Allez! Je vais faire sortir le méchant qui nuit à mes relations ET à mon bonheur personnel. En étant sobre, cette fois.

Il y a souvent des bribes de réflexion qui me viennent à l’esprit lorsque je suis en train de faire autre chose… Je vais essayer d’en retranscrire quelques-unes ici en espérant y voir plus clair.

Meilleure que, c’est lié à mon esprit « champ gauche ». Souvent, pour ne pas dire très souvent, j’appartiens à une minorité. Cela peut toucher à des choses très banales, comme mes goûts musicaux ou mes activités de loisir, ou à des choses plus sérieuses, comme mes opinions politiques, mes valeurs ou mon orientation sexuelle. Dans tous les cas, je suis souvent minoritaire. Cela contribue à mon sentiment de supériorité, car, contrairement à la majorité, je suis prête à suspendre mon sentiment spontané d’horreur ou de « gros bon sens » pour examiner la validité intrinsèque d’une idée. Par exemple, l’idée ajuster l’offre de biens et de services à la main d’oeuvre disponible, plutôt que l’inverse; mettre sur un pied d’égalité industriel et juridique les animaux de ferme et les animaux de compagnie; aller méditer 10 jours dans le silence, sans livre ni crayon 😉

Mais je ne dois pas répondre au rejet que j’ai souvent ressenti par du rejet… Sinon, où cela mène-t-il? Autrement dit, l’originalité de ma pensée ne doit pas se muer en mépris pour les autres. Comme je m’en rappelle parfois, ce n’est de leur faute si je suis plus intelligente qu’eux haha! Ou tout au moins, si je suis plus capable de voir loin et de creuser une idée…

Et je me rends compte, en travaillant à mon nouvel emploi dans une PME, que le copropriétaire de l’entreprise a des qualités très différentes des miennes, mais que j’admire énormément : sa capacité à écouter, à faire confiance, à accepter l’imperfection et le temporaire, à ne pas se fâcher et à ne pas se tromper dans ses calculs! Bref, même si m’imagine « meilleure que », il y a bien des choses que je ne sais pas ou que je n’arrive pas à faire aussi bien que les autres.

Un autre élément de mon sentiment de supériorité tient d’ailleurs à ma difficulté à accepter la différence. Prenons ma mère, par exemple, qui s’inquiète pour un rien et qui me raconte les événements de sa vie comme le ferait un disque : avec des phrases toutes faites, répétées déjà 10 à d’autres amis(-es) ou parents proches. Sans compter les moult détails du style, « Je lui ai dit ‘Bonjour’, il m’a répondu ‘Bonjour' »…

Mais, face à son inquiétude ou au côté assommant ou artificiel de ses histoires, la colère ou l’impatience n’est pas une bonne réponse. Oui, ma mère a une façon d’être différente de la mienne et elle a le droit. En réagissant avec colère ou impatience, non seulement je lui manque de respect, mais je me coupe probablement d’une relation plus profonde avec elle.

Tout cela me ramène à cette réalité que, même si je suis souvent convaincue d’être « meilleure que », j’ai généralement du mal à me montrer fièrement telle que je suis et à prendre des risques avec les autres, ce qui m’entraîne beaucoup d’anxiété et de négativité… Cette phrase résonne, je sens sa vérité dans mon épaule.

En étant plus ouverte aux positions, aux réflexions et aux réalités des autres, et en démontrant plus de compassion et de douceur à leur égard, je me sentirais certainement plus à l’aise d’exposer mes propres positions. Comme disait je ne sais plus qui, ce sont les éléments que l’on nourrit qui vont croître…

Enfin, c’est fou! En cherchant une image pour illustrer ce texte, je suis tombée sur les notes d’un révérend. Toute est dans toute! Il y a aussi cette image qui me tente, mais c’est justement de cette attitude que je dois me débarrasser ¯_(ツ)_/¯

Mon ego fragile

J’ai souvent parlé de mon ego sur ce blogue – et ce n’est pas pour rien. Il s’agit d’un espace essentiel où je peut exister sans m’imposer outre mesure ni me sentir menacée. Un safe space que je retrouve plus souvent qu’autrefois, mais qui m’échappe encore. Comme aujourd’hui, par exemple.

Source

Aujourd’hui, ma collègue M.B. a envoyé à tous les membres de notre équipe des photos de sa nouvelle-née. Chaque, chacune y est allé de son commentaire : « Qu’elle est belle! », « Bravo! », etc. Et M.B. a accolé un cœur à tous les messages… sauf au mien.

Je me sentais… nulle, pour changer 😉 Comme si j’avais déçu M., que mon commentaire l’avait dérangée ou lui avait déplu. C’est une toute petite chose, je sais, mais ce genre d’événement revient souvent. Son caractère restreint me permet justement de mieux l’analyser.

Il y a d’abord eu la peur d’avoir déplu. Puis je me suis souvenue de tous les posts ou gentils mots que j’ai reçus et pour lesquels je n’ai jamais donné de remerciement — parfois sciemment, pour envoyer un message (je sais, ce n’est vraiment pas gentil).

Il y a eu de la colère aussi à travers tout cela, ou plutôt de l’amertume. J’aime beaucoup M., et nous nous sommes échangé plusieurs services. J’étais triste et amère de constaté le peu de cas qu’elle faisait de mon mot…

Et puis j’essayais de minimiser l’événement en me répétant « Ce n’est pas grave », ce qui était visiblement faux. En réalité — et j’ai à peu près réussi à le faire — je devais reconnaître ma déception et mon désarroi, mais sans m’y complaire. Laisser être et vivre mes sentiment, mais sans accuser M. ou me victimiser.

Ce qui est difficile avec un ego fragile, c’est qu’écrire le mot lui-même a été ardu. Avant même d’appuyer sur le bouton « Envoyer », je voulais plaire, me distinguer, répondre avant les autres, être drôle… Être vraie et authentique, oui, mais surtout plaire, me distinguer, être drôle. C’est pour cela que l’absence de réponse de M. fait aussi mal. Les enjeux étaient considérables!

Ce qui me ramène à la confiance en soi, à la capacité d’être soi, de rester soi-même sans m’imposer outre mesure ni se sentir menacé.

Je me confie, jour 10 de 30 : mais qu’est-ce que c’est, la perfection?

Ça m’est tombé dessus il y a quelques jours : alors que j’aimerais être parfaite (hahaha), je ne me suis jamais vraiment arrêtée à définir ce que signifie la perfection, pour moi. Prendre le temps de le faire est un peu humiliant parce que je sais bien, intellectuellement, que la perfection n’est pas de ce monde… Mais cela ne m’empêche pas, au quotidien, d’essayer de l’atteindre par tous les moyens… Une définition, donc, pour mieux voir ce que je n’atteindrai jamais!

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En bonne ancienne journaliste que je suis (et curieuse de nature), je commence par aller voir un peu ce qu’en ont dit les autres… Le philosophe des valeurs Cyril Arnaud écrit qu’un être ou un objet parfait est tout ce qu’il peut être. Par exemple, une chaise parfaite est confortable, légère, durable, etc. De plus, cette perfection n’est associée à aucune valeur morale. Sa valeur est relative aux autres chaises et tient à son essence. Cette encyclopédie en ligne survole les écrits de plusieurs philosophes sur la perfection et rappelle que, par définition, Dieu est parfait… Je m’aperçois de la grand ironie de vouloir écrire un article sur la perfection en cherchant des références à la va-vite en utilisant Google 😂 😂

Pour moi, la perfection est clairement liée aux valeurs morales. En particulier, à l’esprit citoyen et au respect des autres et des ressources. On ne fait pas ce qu’on veut comme on veut quand on veut. On ne roule pas à 70 km à l’heure dans une rue résidentielle même si on est pressé ou qu’on a envie d’adrénaline parce que c’est dangereux pour les autres. On fait attention aux autres dans les lieux publics et on leur fait une place au besoin. On ne fait pas semblant de ne pas les voir! On ne prend que les ressources dont on a besoin. Le reste, on le laisse aux autres ou on le partage.

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J’ai des milliers d’exemples en tête. Ils concernent presque toujours les autres. Ma perfection est beaucoup une question de jugements. Je vais méditer là-dessus.