10 jours de silence, un court bilan

Pour la quatrième fois en cinq ans, je suis allée faire une retraite de méditation de 10 jours dans le silence complet. Je pense que je commence à peine à comprendre ce qu’il faut faire. Sans blague!!

La méthode

La méditation Vipassana telle qu’enseignée par S.N. Goenka, est une méthode à la fois très simple à comprendre, très difficile à faire et, lorsque effectuée correctement, aux effets très puissants.

L’objectif : se libérer des impuretés de notre esprit, c’est-à-dire de toutes les négativité qui y tournent en bouclent et nous bouffent le moral. Il ne s’agit pas de nier nos souffrances, mais de ne pas les nourrir en ressassant de vieilles histoires, en angoissant pour l’avenir ou en se répétant sans cesse « &?%*& que j’ai mal! », « *&\+)# je l’haïs! », « #?%& j’en ai marre! », etc.

 

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Partout dans le centre, des affiches rappellent aux étudiantes de rester silencieuses dans leurs gestes.

Tout ceux qui y réfléchiront sérieusement seront d’accord : entretenir de vieilles rancoeurs, s’en faire pour l’avenir ou se plaindre sans arrêt n’aide ni son moral ni celui des autres. C’est un cliché, mais c’est vrai : le passé est derrière nous et il ne changera pas, que l’on rejoue dans un esprit un événement du passé 100, 1000 ou 10 000 fois. Quant à l’avenir, il est difficile à contrôler : personne n’est à l’abri d’un accident, d’un deuil, d’une mise à pied ou d’une rupture amoureuse tandis que, parfois, un malheur débouche sur des opportunités jusqu’alors insoupçonnées. Bref, mieux vaut vivre dans le moment présent et, ben, l’accepter pour ce qu’il a à donner, bon comme mauvais, parce que c’est uniquement sur lui que l’on peut agir.

Le génie de Vipassana est de proposer une méthode pratique pour développer cette compétence. En deux mots, s’asseoir pendant une heure dans une position inhabituelle et rester équanime face à toutes les sensations physiques qui se présentent, agréables ou désagréables. Rester équanime, cela veut simplement dire observer ces sensations, sans éprouver envers elles ni aversion, ni avidité (convoitise). L’idée maîtresse derrière cela est que l’aversion ou avidité ne servent strictement à rien (sauf nous rendre malheureux) puisque que tout change et que cette sensations physique aussi prendra fin. C’est ce qu’on constate en méditant 10 heures par jour. Le pire point de tension dans le bas du dos n’est pas constant : de minute en minute ou de jour en jour, il fluctue, il bouge et, parfois, il disparaît quasiment complètement. Il ne faut toutefois pas (trop) s’en réjouir puisque… il risque de revenir! En somme, la méthode tient en deux grands principes : la conscience attentive, pour bien ressentir ce qui surgit, et l’équanimité parfaite, afin de l’observer objectivement, comme un scientifique, de manière détachée. Si tout cela est facile à comprendre, c’est très difficile à faire.

D’abord, simplement rester concentré sur ses sensations physiques sans penser aux courses à faire, aux amis, aux vacances, etc., relève de l’exploit : l’esprit moyen tient généralement moins d’une minute avant de tomber dans la négativité, la rêverie ou la somnolence. Toute une leçon d’humilité : alors que nous rêvons de contrôler les autres, voire l’univers tout entier, nous ne parvenons même pas à contrôler notre propre esprit…

Lorsqu’on réussit malgré tout à ressentir une ou des sensations physiques, rester équanime face à elles représente un autre grand défi : il est très difficile de ne pas pester contre un mal de dos ou de genou persistant, une nuque tendue ou le simple écoeurement total d’être assis sur un coussin dans le silence et la pénombre, les yeux fermés, avec une centaine d’autres étudiants.

Les effets

Si c’est si dur, pourquoi se faire chier à méditer pendant environ 10 heures par jour, pendant 10 jours, sans jamais parler à personne (que ce soit de vive voix, par le regard ou les gestes, sauf s’il s’agit de poser une question au prof ou aux assistants du cours), sans lire ni écrire, sans aller sur Facebook ni WordPress (gasp 😉 ), sans écouter de musique, sans outre-manger et sans faire de sport (sauf marcher)?

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La chambre simple mais confortable d’une ancienne étudiante (les nouvelles dorment dans des dortoirs avec 4 ou 5 lits!!)

Parce que cela fonctionne : dans ce silence, avec une tel niveau de concentration de l’esprit, un tas de choses remontent à la surface. Des choses si profondément enfouies qu’on ne savait même pas trop qu’elles étaient là. Passer à travers elles est très douloureux, parce que cela ravive un tas de blessures, et demande une bonne dose de détermination. Mais après! On se sent si léger, si léger! On se sent tellement mieux! On comprend mieux d’où viennent nos inconforts, nos peurs, nos angoisses, et on a de nouveaux outils pour y faire face.

Mon expérience 🙂

Ce séjour a été moins intense que les précédents : j’ai beaucoup moins pleuré, et j’ai enfin compris comment observer ma respiration telle qu’elle est, sans la modifier. Aussi, j’ai remarqué que je contrôle de mieux en mieux ma colère. Avant, elle était irrépressible, envahissante. Au bout de 30 minutes de méditation, je bouillais. Elle est encore très présente, mais je réussis (un peu) mieux à rester équanime face à elle et à l’observer sans y sombrer.

Alors que les années précédentes, j’avais beaucoup réfléchi à ma famille, cette année, ce sont plutôt mes amies proches qui ont occupé mon esprit, surtout A.T., D.N., J.B., M.B., A.-M. et C.T. J’ai pensé à quel point j’étais heureuse et chanceuse de les connaître et je suis revenue avec plein d’idées d’invitations et de projets 🙂

Ah oui, la petite Anick est aussi revenue 🙂 J’ai jasé avec elle et je lui ai expliqué certaines choses. Elle n’a pas encore tout compris, mais on y arrive 😉 Bien que je souhaite le faire, j’ai beaucoup de mal à mettre en oeuvre cette idée de réconciliation avec mon « enfant intérieur ». Dans le silence de Vipassana, toutefois, on dirait que j’y arrive 🙂

Sinon, le site même du centre de méditation est toujours aussi beau et apaisant. La structure en bois est vaste et ses grandes fenêtres laissent entrer des flots de lumière. Le silence, bien sûr, est une vraie joie dans un monde habituellement si bruyant 🙂 Et la forêt à l’arrière où des sentiers nous invitent à la marche est « ressourçante » et belle.

Bon, cela dit, j’ai plus ou moins aimé mon expérience 😦 Contrairement aux années précédentes, j’ai eu beaucoup de mal à ressentir des sensations sur mon corps, sauf des sensation déplaisante et solides (et bien sûr, je dois rester équanime face à cela aussi.) Certes, tout change, mais c’est parfois difficile de l’accepter et de le croire…

J’ai plutôt envie d’aller travailler au centre de méditation. C’est possible pendant les cours ou entre les cours. On médite alors seulement trois heures par jour (une heure le matin, une heure l’après-midi et une heure le soir) et on conserve le droit de parole. C’est une bonne façon de passer rapidement de la théorie à la pratique et d’appliquer immédiatement les principes d’équanimité à sa vie quotidienne. Il y a justement une période de travail qui s’annonce à la mi-février. Stay tuned for more 😉

9 réflexions sur “10 jours de silence, un court bilan

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  4. Fiers, oui, et très contents! C’est aussi très chouette de parler aux autres l’après-midi de l’avant-dernière journée et de se rendre compte qu’on n’a pas été la seule à trouver cela dur, à pleurer, etc. Ça rend le tout beaucoup plus apaisant.

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  5. 10h par jour pendant 10jours, sans parler, ça ne devrait pas trop me poser de problème… mais en méditant, là, ça me semble plus compliquer… je risquerqis d’être envahi de pensées et de formules mathématiques en tout genre, j’vois pas comment je pourrais m’en sortir sans rien noter 😉
    (enfin,, j’dis ça, mais j’ai bien consciences d’autres choses qui remonteraient aussi à la surface)

    Bon retour dans ce monde bruyant! 😉

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  6. Çà doit être dur mais très enrichissant, on doit ressortir fier d’avoir vaincu ses peurs ou angoisses. J’admire. J’aimerais me lancer un jour…belle journée !

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