Un jour, une question de Proust #30

La réforme que j’estime le plus

Encore une fois, ce n’est pas le choix qui manque, au Québec ou ailleurs : étatisation des services de santé, création de l’éducation publique et obligatoire, droit de vote des femmes, fin de l’esclavagisme, interdiction du travail des enfants, semaine de 40 heures… Il y a beaucoup de réformes que j’admire et dont je suis contente de pouvoir bénéficier.

Pour ma réforme préférée, je suis tentée par le New Deal de Franklin D. Roosevelt, qui a notamment permis la création des syndicats et de la négociation collective. Le New Deal a aussi créé les allocations pour les chômeurs et les personnes dans le besoin. Même si cette importante réforme a eu des effets mitigés, je suis très heureuse que, dans plusieurs pays, les gens sans travail aient désormais accès à des aides publiques.

Bon, une allocation universelle serait plus pratique et, ben, plus universelle, mais cette idée demeure controversée. Verser le même montant de base à tous (indépendamment de leur situation, de leur âge ou de leur revenu, et en remplacement de toutes les allocations et autres crédits d’impôt) serait plus simple, voire plus équitable. Néanmoins, plusieurs en doutent. La Finlande a lancé un projet-pilote à ce sujet avec 2000 chômeurs le 1er janvier. À suivre 🙂

 

Deux jours, une question #3

Le sophiste qui vous exaspère le plus

Déjà, j’ai changé l’intitulé de cette série de questions, puisque je fournis une réponse seulement un jour sur deux 🙂

Pour trouver le sophiste qui m’exaspère le plus, j’ai dû vérifier ce qu’était vraiment un sophisme. Il s’avère que c’est un raisonnement boiteux qui se donne des airs de rigueur. Mais c’est aussi plus que cela : en plus de s’appuyer sur de fausses prémisses ou d’en tirer de mauvaises conclusions, le sophisme vise à tromper.

Je crois que les sophistes qui m’exaspèrent le plus sont tous ceux — chroniqueurs, économistes et autres « experts » — qui préconisent la rigueur budgétaire et, donc, que l’État coupe dans les services qu’il fourni.

Ces experts oublient que, dans un budget, il y a toujours deux colonnes : celle des dépenses et celle des revenus. Face à un budget qui ne balance pas, on peut donc diminuer les dépenses ou… augmenter les revenus. Ça, les experts n’en parlent jamais. Pire : les défendeurs de la rigueur budgétaire « oublient » aussi les conséquences désastreuses des coupes qu’ils préconisent. En effet, moins d’argent pour les écoles, les services de santé, les retraités ou les travailleurs se traduit, à moyen ou long-terme, par davantage d’ignorance, de maladie et de pauvreté. Enfin, ces experts appellent souvent de leur voeux la rigueur budgétaire et des baisses d’impôt : bref, de couper à la fois les dépenses du gouvernement et ses revenus!

Je sais que ces « experts » visent à nous tromper, puisque tous les indicateurs montrent l’aspect fallacieux de leurs arguments. Les écarts se creusent entre les très riches et les très pauvres, la hausse de productivité économique ne s’accompagne pas d’une hausse équivalente des salaires, l’activité économique telle que mesurée par le produit intérieur brut n’est pas directement relié à la qualité de vie, etc. Sans rien dire des nombreux effets pervers qu’entraînent les inégalités économiques, comme l’augmentation de la violence, de l’obésité et de la consommation de psychotropes ainsi qu’un ralentissement de la croissance économique. 😦 😦 😦

Un jour, un livre #19

Un livre de ma pile à lire

Deux remarques préliminaires : c’est varié et ce n’est pas le choix qui manque!

Mentionnons d’abord mes livres de la collection québécoise Documents, dont La vie habitable et Constituer le Québec. Je remets toujours leur lecture au lendemain parce que les livres de cette collection me touchent habituellement jusqu’à la moelle (le directeur de la collection sait choisir ses sujets et ses auteurs). En l’écrivant, je me rends compte à quel point c’est bête, mais c’est comme cela lorsqu’on a peur de vivre nos émotions… :/

Ma pile compte aussi plusieurs livres de vulgarisation économique,dont Battling big business, Vos questions sur l’économie : 75 questions, 75 réponses et Economix. En fait, j’ai entamé ces trois bouquins mais je n’arrive pas à les finir… Par ennui? Parce que je préférerais les lire en diagonale, voire sauter quelque chapitres, mais que mon perfectionnisme ne me le permet surtout pas? L’économie m’intéresse pourtant réellement… Pour l’instant, ces bouquins restent donc dans ma pile « à terminer » :/

Enfin, ma pile de livres à lire compte aussi quelques livres de croissance personnelle, dont le volumineux Stratégies pour développer l’estime de soi et l’estime du Soi, acheté il y a déjà plusieurs années. J’ai feuilleté le bouquin pour y retrouver les exercices que j’ai fait dans des ateliers, ça m’a semblé compliqué de les refaire toute seule et j’ai abandonné. Allez, Titane, relève-toi et marche!!

Je ne pensais pas que ce post serait aussi déprimant… Mais bon. L’inaction est souvent le signe (dans mon cas en tout cas) que j’évite quelque chose de gros et qui m’importe beaucoup. J’imagine que la première étape est que je m’en rende compte!

Un jour, un livre #4

Le livre qui m’a rendue la plus triste

Il y a environ deux ans, j’ai décidé de me pencher sérieusement sur les paradis fiscaux : des territoires où les lois fiscales sont peu sévères, voire inexistantes, ce qui permet des acrobaties financières qui seraient tout à fait impensables ailleurs. J’ai lu coup sur coup Les paradis fiscaux : enquête sur les ravages de la finance néolibérale, du Britannique Nicholas Shaxson et La grande évasion : le vrai scandale des paradis fiscaux, du Français Xavier Harel.

Laissez-moi vous dire que la colère a rapidement laissé place à la tristesse. Car ces « paradis » ne sont pas dus seulement à quelques pays chauds. C’est un système organisé qui nécessite le soutien des États — dont la France*, la Grande-Bretagne et la Suisse — et de nombreux professionnels respectés dans notre société, comme des avocats, des comptables et des banquiers.

À force de lire, j’ai réalisé qu’il existe des solutions relativement simples à ce problème. Par exemple, interdire aux banques d’ouvrir des filiales dans ces paradis. Si ce scandale persiste, c’est surtout à cause des États européens qui en profitent (les États-Unis, pour une fois, sont plutôt les bons bougres dans cette histoire). Pendant ce temps, une tonne de problèmes sociaux, économiques ou environnementaux persistent ou s’aggravent, faute de fonds… Vraiment, vraiment décourageant 😦

L’autre bouquin qui m’a beaucoup attristée, c’est J’ai serré la main du diable, du Québécois Roméo Dallaire. Roméo Dallaire, aujourd’hui sénateur, est le général qui commandait les troupes des Nations Unies au Rwanda quand le génocide a éclaté dans ce pays, en 1994. Sa biographie relate avec moult détails l’inertie des Nations Unies, les luttes de pouvoir et autres dédales bureaucratiques qui ont permis le génocide (900 000 morts en trois mois). De quoi vous décourager de la vie à jamais. Je n’ai d’ailleurs pas terminé cette brique de plus de 600 pages… On comprend bien tout ce qu’on a à comprendre au bout de 200…

* La France protège notamment Monaco, un paradis fiscal reconnu.

 

Des emplois : à quoi bon?

On apprend aujourd’hui qu’Énergie Est ne construira pas de port pétrolier à Cacouna. Bonne nouvelle pour les écologistes. Cinquante emplois sont toutefois perdus tandis qu’Énergie Est devra trouver un nouveau trajet pour transporter son pétrole par pipeline depuis l’Alberta. Un projet estimé à 12 milliards de dollars.

Douze milliards. En lisant l’article, je me demandais s’il n’y avait pas mieux à faire avec tout argent que créer 50 emplois au Québec et  transporter une énergie polluante.

Tristement, les politiciens que nous avons ne semblent pas le penser. On dirait qu’ils ont oublié que créer des emplois n’est pas une fin en soi: que la fin, c’est que chacun se déplace, se loge, mange et se vêtisse. Et qu’on peut très bien y arriver dans une goutte de pétrole. Surtout si on a 12 milliards de dollars à y investir!

Le « package deal » scandinave

Le modèle scandinave fait rêver, mais ce qu’on en imagine correspond rarement à la réalité. C’est ce qu’écrit Éric Desrosiers dans Le Devoir, dans une critique du livre à paraître, « Social-démocratie 2.0 – Le Québec comparé aux pays scandinaves », sous la direction de Stéphane Paquin et Pier-Luc Levesque. Extraits de l’article.

« Quand on évoque le modèle suédois, ou scandinave, au Québec, on se réfère très souvent à une réalité qui remonte aux années 1970 et 1980 et l’on manque tout ce qui s’est passé durant les années 1990, c’est-à-dire une réforme de l’État extrêmement importante », explique [l’un des auteurs]. […]

Certes, la croissance économique par habitant depuis 30 ans y a été, entre autres, généralement plus forte que dans les autres pays développés [tandis que] les niveaux d’inégalité y sont parmi les plus bas. [C’est] un spectaculaire pied de nez à ces théories économiques qui veulent que les pays ayant un haut niveau de taxation (presque la moitié du PIB, contre 37 % au Québec), de très généreux programmes sociaux (presque 30 % du PIB contre 18 % au Canada) et un fort taux de syndicalisation (70 % contre 40 % au Québec) n’aient aucune chance dans la nouvelle économie mondialisée.

Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que ces pays ont aussi traversé une période de panne de croissance économique et d’envolée des déficits publics qui les a forcés, dans les années 1990, à revoir de fond en comble leur modèle de fonctionnement. « Le “2.0” de notre titre se réfère à cette réinvention en profondeur, explique Stéphane Paquin. Ces pays ont adapté leur modèle à la mondialisation. Ils sont conscients que, pour avoir des normes sociales élevées, il faut du libre-échange, il faut être concurrentiel, il faut être productif, il faut être meilleur que les autres, en somme. »

Cherchant à diminuer les dépenses de l’État sans réduire pour autant les services aux citoyens, la Suède s’est engagée dans une grande décentralisation au profit des gouvernements locaux. Plutôt que d’introduire plus de privé en santé, on a choisi de mettre en concurrence entre eux les établissements publics. Le gouvernement central a aussi pris le parti [de laisser plus de liberté aux agences en contrepartie d’une plus grande reddition de comptes aux élus].

« L’organisation du régime politique est plus vertueuse que la nôtre. Elle réserve l’ingérence politique aux tâches où elle est nécessaire pour des raisons démocratiques et de reddition de comptes et la limite là où des agences autonomes seraient plus efficaces », explique l’expert. Quant à la corruption, on y fait efficacement obstacle en imposant un niveau exceptionnellement élevé de transparence aux acteurs publics plutôt qu’en les soumettant à toutes sortes de règles.

En matière économique, le Danemark a inventé le système de « flexicurité » consistant à limiter au maximum les obstacles en matière d’embauche et de congédiement pour les entreprises, tout en garantissant des services efficaces de réinsertion en emploi et une généreuse assurance revenu aux travailleurs en cas de licenciement. Les Danois ont aussi frappé les esprits en acceptant qu’on réduise les charges sociales des entreprises afin d’en améliorer la compétitivité et qu’on aille chercher le manque à gagner dans une hausse de la taxe à la consommation.

Toutes les réformes n’ont pas fonctionné, précise Stéphane Paquin. La décentralisation des pouvoirs au profit des municipalités en matière d’éducation, par exemple, est généralement considérée comme un échec en Suède, au point où le ministre de l’Éducation en appelle, aujourd’hui, à une recentralisation des pouvoirs.

« C’est ironique quand on pense qu’il y en a au Québec qui citent justement son exemple pour en appeler à une réduction de la taille du ministère de l’Éducation et à l’abolition des commissions scolaires au profit des villes. De façon générale, ceux qui vantent ces pays choisissent souvent à la carte ce qu’ils aiment dans le modèle scandinave, ou ce que l’on imagine être le modèle scandinave. Mais pour connaître le même succès, il faut accepter tout le paquet. Il est vrai, par exemple, que le taux de syndicalisation et la fiscalité y sont plus élevés qu’ailleurs, mais on y est aussi obsédé par la productivité et la compétitivité des entreprises, y compris chez les syndicats. »

***

De quoi nourrir la réflexion.

Les deux solitudes, en librairie

Tout est triste, dans cet article. Mais pas pour les raisons que l’on croit.

«On a essayé de faire entrer des livres en anglais, dit l’une des libraires qui dit fermer à cause de la popularité des livres en anglais. Mais on est des libraires formés en français. On connaît les éditeurs, les distributeurs français.» Hum. Ben oui. Et elle est incapable d’apprendre autre chose, voire de créer un partenariat avec une librairie anglo?

On dirait. Quand l’éditeur Drawn and Quarterly (qui est excellent, en passant) a commencé à vendre des livres en français, «je ne l’ai pas trouvée drôle», admet Maryse, [la libraire], qui tenait à défendre «son» territoire, écrit La Presse. Ben oui. Fâchée parce qu’un anglophone diffuse des livres en français…

La cerise sur le gâteau? L’Observatoire de la culture et des communications du Québec ne comptabilise pas les ventes de livres en anglais, note le quotidien. Alors qu’on oblige les enfants à apprendre cette langue à l’école…

Triste, je vous dit…

La Chine endettée: quoi?!

J’apprends aujourd’hui dans la (souvent bonne) chronique de Richard Dupaul dans La Presse que la Chine est endettée. Très endettée.

La Chine. Qui a eu un taux de croissance de 7,5% au dernier trimestre (toujours selon le même article) et qui est tellement riche qu’elle détient quelque 1200 milliards de dollars de dette américaine.

La Chine. Endettée. Le mystère est complet. Si même avec un taux de croissance de 7,5%, on n’arrive pas à « assainir ses finances », je ne sais pas trop ce qui reste comme argument aux tenants de faire grossir la tarte pour mieux la partager…